Terre des affranchis – Liliana Lazar
Nous sommes à Slobozia, au fin fond de la Moldavie, en Roumanie. C’est un village perdu au milieu des bois, non loin d’un lac maudit surnommé « La fosse aux lions ». Il paraît que les imprudents qui s’y aventurent n’en reviennent jamais, car c’est le territoire des « moroï », ou morts-vivants. Il n’y a qu’un vieux fou qui ose y pêcher, pour en ramener quantités de poissons. Quelques adolescents se font des frayeurs en allant y faire l’amour, car le lac est réputé décupler les plaisirs sexuels…
La famille Luca vit à l’écart du village, à l’orée de la forêt. Le père est alcoolique et violent, il bat sa femme et ses enfants. Mais le fils, Victor, devient un jour plus fort que son père et finit par le tuer. Victor est une marmule, ce qui lui vaut le surnom de « bœuf » par les villageois. Taciturne et un peu simple d’esprit, il ne se mêle jamais vraiment aux autres. Mais il est assailli de pulsions soudaines qui lui font perdre la tête. Un jour il en vient à étrangler une jeune villageoise qui a repoussé ses avances. Il est caché par sa mère et sa sœur, et troque sa vie au grand air pour une vie de reclus. Au même moment le pays connait de grands changements politiques : c’est l’avènement de Ceaucescu et de sa « république socialiste ». Victor rentre dans la Résistance en acceptant de recopier des manuscrit religieux interdits par la censure, afin d’obtenir sa rédemption pour les crimes qu'il a commis.
J’ai été marquée par l’atmosphère de ce récit, très pesante, incertaine, noire. Le personnage principal est loin d’être un enfant de cœur, et malgré tout on ne peut s’empêcher de vouloir sa rédemption, de le voir s’en sortir.
Pour ma part ce roman aurait très bien pu se passer au Moyen-Age, car mis à part quelques descriptions rappelant l’époque (comme par exemple une Dacia surgie de nulle part), on est dans un village perdu, coupé du monde, comme figé dans le temps. Bien sûr les évènements politiques influencent la vie du village, mais le mode de vie, les traditions ancestrales et les superstitions y sont tellement bien ancrées qu'on pourrait dater l'action beaucoup plus tôt.
Liliana Lazar est roumaine et pourtant elle écrit en français. Il faut dire qu’elle vit en France depuis de nombreuses années. Dans ce premier roman elle nous décrit une Roumanie pleine de contrastes : elle est marquée par le communisme tout en étant très croyante et superstitieuse à la fois. Ici se cotoient le curé, le policier communiste, le sorcier.
Ce roman est une véritable découverte, j’ai été happée par le récit. La prose de Liliana Lazar est très agréable à lire, l’univers du livre très particulier.
A tenter, assurément.
Lu dans le cadre du Prix des lecteurs du Télégramme
L'interview de l'auteur sur le site du Télégramme
Terre des affranchis - Liliana Lazar
Gaïa, 197 pages, 2009.
ISBN : 2-847-20147-5