Où on va, papa ? – Jean-Louis Fournier
"Je ne comprendrai jamais pourquoi ils ont été punis si lourdement. C’est profondément injuste, ils n’ont rien fait.
Ça ressemble à une terrible erreur judiciaire."
L’auteur parle ici de ses deux fils, tous deux handicapés mentaux. Il décrit la difficulté d’être le père d’enfants catalogués « anormaux », les regards de pitié des personnes extérieures, l’envie et la jalousie envers les parents d’enfants « normaux », ses rêves de père fortement amochés. Il y a aussi la difficulté de voir défaillir le corps de ces enfants qui n’ont jamais grandi dans leur tête. Et puis la perte de l'un de ses deux "petits oiseaux".
Malgré tout cela, il lance un vibrant message d’amour envers ses deux fils qu’il aime et qui ne liront jamais ce livre.
Utilisant un ton caustique, un humour noir, sans fard, il nous décrit son quotidien, ses espoirs déçus, ses doutes, sa culpabilité.
"Je regarde mes deux petits gamins cabossés j’espère que ce n’est pas de ma faute s’ils ne sont pas comme les autres."
Un bel hommage à tous les enfants handicapés et à leurs parents, à lire absolument.
Extrait :
"Mes petits oiseaux, je suis bien triste de penser que vous ne connaîtrez pas ce qui, pour moi, a fait les plus grands moments de ma vie.
Ces moments extraordinaires où le monde se réduit à une seule personne, qu’on n’existe que pour elle et par elle, qu’on tremble quand on entend ses pas, qu’on entend sa voix, et qu’on défaille quand on la voit. Qu’on a peur de la casser à force de la serrer, qu’on s’embrase quand on l’embrasse et que tout le monde autour de nous devient flou.
Vous ne connaîtrez jamais ce délicieux frisson qui vous parcourt des pieds à la tête, fait en vous un grand chambardement, pire qu’un déménagement, une électrocution, ou une exécution. Vous chamboule, vous tourneboule et vous entraîne dans un tourbillon qui fait perdre la boule et donne la chair de poule. Vous remue tout l’intérieur, vous donne chaud à la gueule, vous fait rougir, vous hérisse le poil, vous fait bégayer, vous fait dire n’importe quoi, vous fait rire et aussi pleurer.
Parce que, hélas, mes petits oiseaux, vous ne saurez jamais conjuguer à la première personne du singulier et à l’indicatif du présent le verbe du premier groupe : aimer."
NB: Ce roman a reçu le Prix Fémina 2008.
Où on va, papa ? Jean-Louis Fournier
Stock, Collection Bleue, 154 pages, 2008.
ISBN: 2-234-06117-0